Viande de brousse : Opération « Coup de poing » à Yaoundé
Yaoundé, Cameroun, mercredi, 21 octobre—5 heures du matin—une équipe composée des agents des forces de l’ordre, du Ministère de la Faune et des Forêts (MINFOF), de la Direction Générale à la Recherche Extérieure (DGRE) ainsi que du personnel de TRAFFIC Afrique centrale et de LAGA, se retrouve devant l’esplanade du MINFOF. Objectif : s’accorder sur les derniers préparatifs avant la descente sur le terrain. Il s’agit pour Francis NGUM, chef de service de la Brigade de lutte anti braconnage du MINFOF, d’arrêter définitivement l’itinéraire à suivre et de donner les dernières consignes de sécurité.
Planifiée depuis plusieurs mois et plusieurs fois reportée, l’opération dite « Coup de poing », menée par le MINFOF, a été décidée pour avoir lieu aujourd’hui afin de saisir les animaux vivants et la viande de brousse vendus illégalement dans certains marchés de la capitale camerounaise.
En effet, ces marchés sont le lieu d’un commerce important de produits fauniques, au mépris de toute réglementation en vigueur. Aussi, depuis plusieurs semaines le secteur était-il surveillé : « Nous les avions à l’œil depuis plusieurs mois », a déclaré Célestin NDONGA de la DGRE.
6h30 : heure d’arrivée sur le marché Nkolndongo, un important marché de la capitale. Des commerçantes, occupées à installer leurs marchandises, ne se doutent encore de rien lorsqu’un agent de police en civil les interpelle sur le prix de leurs produits. Elles reconnaissent en être propriétaire. C’est alors que les policiers se présentent en précisant l’objet de leur mission. Ils saisissent alors divers produits présentés à la vente, l’équivalent en volume d’une ½ camionnette double cabine. Afin de profiter de l’effet de surprise, les forces de police se déportent rapidement au lieu dit Texaco Nkolndongo. Là aussi, des étalages de vente illégale de gibier sont saisis. Enfin, l’opération se terminera au marché de la gare ferroviaire où quelques produits fauniques sont là aussi saisis.
De retour sur l’esplanade du Ministère, l’heure est au décompte : au total plus de 300 spécimens de faune sauvage qui ont été saisis, parmi lesquels des animaux vivants (33 tortues, 6 crocodiles et 6 pangolins). Les autres spécimens correspondent à 228 dépouilles de reptiles (tortues, crocodiles, varans, vipères et pythons), d’oiseaux (calaos) et de mammifères (pangolins, antilopes et singes), ainsi qu’a des dizaines de morceaux de gorille, de python et d’autres espèces non identifiées.
Les trois propriétaires, arrêtés sur les points de saisis, ont été ramenés à la brigade pour être entendus par les agents de police et de la cellule de lutte anti-braconnage, en vue de déterminer s’ils possèdent des permis de vente... Et bien entendu, ils n’en n’ont pas... Une enquête a été ouverte et la brigade nationale de lutte anti-braconnage devrait transmettre tous les éléments du dossier au Procureur de la République. Les vendeurs encourent des peines allant de 200 000 à 1 000 000 francs CFA (450-2250 USD) d’amende et jusqu’à 6 mois d’emprisonnement ferme.
Henriette BIKIE, chef de projet viande de brousse au sein de TRAFFIC Afrique Centrale, a déclaré que « cette saisie témoigne de l’importance du commerce illégal d’animaux sauvages qui est une des plus grandes menaces qui pèsent sur la disparition des espèces menacées au Cameroun, et de façon plus générale en Afrique centrale». Elle a d’autre part souligné « la volonté de TRAFFIC d’appuyer le gouvernement camerounais à préserver sa biodiversité et plus particulièrement de sa faune sauvage menacée, comme les éléphants et les grands singes, en l’aidant à mettre en place des solutions à long terme sur les questions de surexploitation de la viande de brousse et du commerce illégal ».
Arrivé sur les lieux vers 9h, le Ministre Elvis NGOLLE NGOLLE, en charge des forêts et de la faune a déclaré : « Nous sommes satisfaits de la coopération avec nos partenaires, notamment TRAFFIC Afrique Centrale et LAGA ». Par ailleurs, le Ministre a aussi affirmé que « pour les produits de la classe C, ce n’est pas la vente qui est interdite, mais cette activité doit être menée au respect de la réglementation en vigueur, en vue de contrôler ce commerce et de garantir tant les revenus de l’Etat, le bien être des communautés et la préservation de la biodiversité ».
Pour les commerçants contrevenants, notamment pour M Ahanda, interrogé : « nous ne sommes pas responsables du braconnage, nous ne faisons que nous débrouiller, que voulez-vous que nous fassions ? »
Interrogé par la presse Cameroon Tribune sur la portée d’une telle opération, Mme MOUZONG, responsable communication au sein de TRAFFIC Afrique Centrale, a affirmé qu’ « en matière de lutte anti braconnage, notre travail est en partie axé en sur la formation, l’information et la sensibilisation. Une opération comme celle là intervient pour censurer les contrevenants. Il est évident que ce type d’opération doit être accompagné de campagnes de sensibilisation sur les risques écologiques et sanitaires, mais aussi sur la nécessité de respecter la règlementation nationale qui prévoit des pénalités liées à des crimes environnementaux ».
Comme le prévoit la loi, les animaux vivants ont été envoyés au jardin zoo-botanique de Mvog Betsi de Yaoundé. Les dépouilles d’animaux ainsi que les morceaux, ont été vendus aux enchères, au plus offrant.
TRAFFIC remercie le WWF Pologne pour son soutien financier du programme TRAFFIC Afrique centrale en matière de lutte contre le commerce illégal de faune sauvage au Cameroun.
TRAFFIC, le réseau de surveillance du commerce de la faune et de la flore sauvage est un programme conjoint du WWF et de l’UICN. La mission de TRAFFIC est de s’assurer que le commerce des espèces sauvages ne menace pas la conservation de la nature.