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Published 07 juillet 2015

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D'importantes preuves partent en fumée

Mozambique, le 7 juillet 2015 – Selon un communiqué de presse, 2 434,6 kg d'ivoire et 86 cornes de rhinocéros, d’un poids total de 193,5 kg, ont été détruits hier au Mozambique.


inister Correia setting fire to the ivory and rhino horn yesterday. © WCS

Il semblerait que ce brasier comportait également 1,1 tonne d'ivoire et des cornes de rhinocéros restantes des 65 qui avaient été saisies en mai à Matola, au Mozambique. Il s’agissait alors de la plus importante saisie depuis le commencement de la crise actuelle du braconnage de rhinocéros.

Plusieurs de ces 65 cornes avaient ensuite été volées dans les entrepôts de la police. Un vol qui a mené à l’arrestation de sept suspects dont quatre étaient policiers.

On ignore cependant si des échantillons d'ADN des cornes restantes ont été prélevés avant leur destruction, conformément aux protocoles de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction). Toutefois, il semble qu'un audit indépendant des matériaux incinérés ait eu lieu.

La décision 16.84 de la CITES prévoit que toutes les Parties doivent remettre des échantillons de cornes de rhinocéros provenant de spécimens faisant l'objet d'enquêtes criminelles à des laboratoires scientifiques agréés en vue d'analyses ADN. La Décision 16.83, quant à elle, demande à toutes les Parties concernées par des saisies d’ivoire d’au moins 500 kg de faire de même.

Les poursuites engagées contre ceux impliqués dans la saisie des 65 cornes et le vol de 12 d’entre elles qui s’en est suivi sont toujours en cours. On rapporte que le suspect principal de la première saisie s'est échappé.

Selon Tom Milliken, responsable du programme éléphants et rhinocéros chez TRAFFIC : « La destruction d'éléments de preuve dans des affaires en cours suscite des inquiétudes évidentes et l'on se demande si le processus judiciaire pourra désormais être suivi correctement au Mozambique ».

« En fait, la récente méga saisie de cornes de rhinocéros et d'ivoire au Mozambique représente un cas d'école du manque de professionnalisme judiciaire. »

Alors que cette destruction d’ivoire et de cornes de rhinocéros va certainement empêcher qu’ils ne tombent entre les mains de trafiquants, de solides systèmes de gestion des stocks d’ivoire et de cornes de rhinocéros apporteraient une solution plus viable sur le long terme.

Qui plus est, l'impact de la destruction publique de produits issus de la faune ou de la flore sauvages sur les utilisateurs finaux est encore inconnu et pourrait même être très néfaste : en mettant l’accent sur la rareté des produits détruits, il risque d’entraîner une augmentation de la demande de ces produits et de leurs prix.

« Procéder publiquement à la destruction de produits issus du commerce illégal de la faune ou de la flore sauvages peut attirer l'attention médiatique, mais cela ne vas certainement pas aider à résoudre la crise mondiale du braconnage » explique M. Milliken.

« Il est tout simplement inconcevable de se féliciter de la destruction de preuves judiciaires et de la réduction à néant de tout espoir de poursuivre efficacement les personnes arrêtées au cours de cette saisie historique. Il faut se pencher sur les causes premières permettant le trafic d'espèces sauvages, y compris la corruption qui nuit aux efforts d'application de la Loi. Sans preuves, comment pourrait-il y avoir un jugement? »